INJUSTE HÉRITAGE

Est-il juste qu’un descendant subisse la condamnation d’un ascendant ? Il s’agit là de la question principale de cet article qui se veut bref dans le but de concentrer toute notre attention sur une incohérence manifeste qui, malgré son caractère flagrant, échappe à beaucoup de croyants.

Reposons cette question : Est-il juste qu’un enfant paie pour la faute d’un parent ? La réponse paraît évidente : non ! Non, il n’est pas juste pour un enfant de subir une punition pour la faute de l’un ou l’autre de ses géniteurs, ou des deux, ni de quelque ancêtre que ce soit d’ailleurs. Le prophète Ézéchiel ne nous contredirait pas [1], ni Moïse [2].

Mais est-il vraiment nécessaire de convoquer des prophètes — fussent-ils aussi célèbres que les prophètes Ézéchiel et Moïse — pour qu’au plus profond de nous-mêmes nous ressentions naturellement, et même instinctivement, qu’il est injuste de payer pour la faute d’autrui ?

Nous pensons que n’importe qui trouvera injuste de payer pour une faute qu’il n’a pas commise. Sauf l’apôtre Paul apparemment, qui affirme à sa manière le contraire. Il serait juste selon lui que la descendance d’Adam soit devenue mortelle en raison de ce qu’elle aurait hérité la malédiction divine prononcée pourtant à l’encontre d’Adam seul. L’apôtre Paul semble vouloir ignorer que la Genèse évoque une sentence conditionnelle à l’encontre d’Adam et de personne d’autre. En effet, s’il venait à manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal Adam mourrait, conformément à la condamnation qui lui était promise en rétribution de sa transgression. L’apôtre Paul semble vouloir ignorer aussi qu’en dehors d’Adam et Ève, nul n’a mangé du fruit de cet arbre, son accès ayant été rendu impossible. Les enfants d’Adam n’ont donc pas pu transgresser le commandement divin faisant encourir ladite condamnation. Paradoxalement, l’apôtre Paul admet le principe de responsabilité individuelle [3]. En somme, pour l’apôtre Paul, les hommes sont responsables collectivement (les fils paient pour la faute de leur père) et individuellement (chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même). Pile, tu perds, face, tu perds !

La condamnation à mort faite par Dieu à Adam en cas de désobéissance au commandement de ne pas manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal pouvait sembler extrêmement dure, mais il faut bien croire [4] qu’elle était indispensable [5] et juste [6]. En revanche, la condamnation à mort de la descendance d’Adam est manifestement injuste.

L’explication de l’apôtre Paul selon laquelle, parce qu’un homme — Adam — a péché, tous les hommes sont devenus automatiquement des pécheurs est pour le moins légère. Il la présente comme une évidence, comme si Dieu avait en quelque sorte programmé qu’il en aille génétiquement ainsi, comme si c’était inéluctable, et pour le dire autrement encore, comme si cela était normal et que cela tombait sous le sens ! L’injustice de cet héritage ne le frappe pas !

Faut-il croire que, pour l’apôtre Paul, Dieu était la source de cette contradiction ? Ou plutôt que l’apôtre Paul nous soumet son interprétation personnelle du monde, créant ce que d’aucuns ont nommé le paulisme [7] ?